Relations entre voie de signalisation PI3-K/PKB et accumulation intracellulaire de phospholipides

La Lettre de la NSFA, n°38, juillet 2008
Anne Vejux, TIRO, CEA DSV-iBEB-SBTN, CAL, Faculté de Médecine, Université de Nice Sophia Antipolis

Introduction

Histologiquement, l’athérosclérose est caractérisée par un remodelage du mur artériel qui conduit à la formation d’une plaque d’athérosclérose résultant d’une accumulation de LDL (lipoprotéines de faible densité) oxydées, de certains de leurs composants lipidiques (oxystérols, acides gras oxydés, aldéhydes, lysophospholipides), d’éléments fibreux et de cellules inflammatoires. D’après la classification de Stary, les lésions de type I représentent les premières accumulations détectables de lipides au niveau de l’intima. Au cours du développement des plaques d’athérosclérose (classification de Stary : type III), des lipides extracellulaires s’accumulent sous les cellules spumeuses. Ces lipides extracellulaires sont composés de cholestérol, de cholestérol oxydé ou estérifié ainsi que de phospholipides [1]. La formation de cette composante lipidique est encore mal connue : il est donc important, d’identifier parmi les molécules présentes au niveau de la plaque d’athérome lesquelles sont capables de contribuer à l’accumulation de lipides. Une augmentation simultanée de phospholipides et d’oxystérols étant observée au niveau des plaques d’athérosclérose [1], nous avons recherché si certains oxystérols présents en quantité importante au niveau des plaques, tel que le 7-cétocholestérol, pouvaient favoriser une accumulation de lipides (en particulier de phospholipides), quelles étaient les voies métaboliques impliquées et quelles molécules pouvaient éventuellement s’opposer à ces effets.

Voie PI3-K/PKB et accumulation de lipides

La voie de survie PI3-K/PKB (Phosphatidylinositol-3-phosphate kinase/ Protéine Kinase B) joue un rôle majeur dans le métabolisme notamment des lipides, la croissance cellulaire, le cycle cellulaire, l’apoptose … [2]. Les PI3-kinases sont une famille ubiquitaire d’enzymes présentes dans une grande variété d’espèces. Les PI3-K peuvent être divisées en trois classes : les PI3-K de classe I, les PI3-K de classe II et les PI3-K de classe III. Les PI3-K de classe I sont celles qui permettent l’activation de PKB alpha. En effet, la PI3-K de classe I génère un second messager le phosphatidylinositol-3,4,5-triphosphate au niveau de la membrane plasmique, qui se lie à PKB. Ceci conduit à un recrutement au niveau membranaire de PKB et à un changement de sa conformation permettant la phosphorylation des résidus thréonine 308 et sérine 473 par PDK-1 et PDK-2 (phosphoinositide-dependent kinase) respectivement et ainsi son activation [2]. Une fois activée, PKB se détache de la membrane et phosphoryle de nombreux substrats dans le cytoplasme et le noyau. Les inhibiteurs de la PI3K comme la wortmannin ou le LY294002, ainsi qu’un dominant négatif de la PI3-K de classe 1A empêchent la phosphorylation et donc l’activation de la PKB [2]. Lorsque des cellules promonocytaires U937 sont traitées par du 7-cétocholestérol, la voie PI3K-PKB est inhibée [3] conduisant à une mort cellulaire présentant des caractéristiques d’apoptose. Dans des cellules promonocytaires U937 et musculaires lisses de rat (A7R5), cette mort cellulaire est accompagnée d’une accumulation importante de lipides polaires détectée par coloration au Nile Red [3, [4]]. Cette accumulation de lipides polaires (phosphatidylcholine, sphingomyéline) est essentiellement localisée dans des structures multilamellaires, appelées corps myéliniques, localisées dans des compartiments acides et contenant aussi du cholestérol [4]. Ceci évoque un processus de phospholipidose [5] décrit jusqu’à présent avec des molécules amphiphiles cationiques parmi lesquelles figurent l’amiodarone, la fluotexine, l’imipramine, le tamoxifen et la gentamicine [5]. Le 7-cétocholestérol constituerait donc une nouvelle molécule capable d’induire de la phospholipidose.

La vitamine E : inhibiteur de la voie PI3K/PKB et de l’accumulation de lipides

La vitamine-E (α-tocophérol), en plus de ses capacités anti-oxydantes, possède la capacité de réguler l’expression de gènes, d’agir sur certaines voies de signalisation ainsi que sur le métabolisme phospholipidique. Elle a la capacité de contrecarrer l’apoptose induite par les oxystérols en réduisant le pourcentage de cellules avec des caspases actives et en rétablissant la phosphorylation et donc l’activation de la PKB [3]. La vitamine-E, qui inhibe la phospholipidose induite par l’amiodarone ou le desethylamiodarone, inhibe également l’accumulation intracellulaire de lipides polaires induite par le 7-cétocholestérol. Cette inhibition peut être due à une inhibition de l’accumulation de phospholipides dans les vacuoles acides, à une activation de la dégradation ou une inhibition de la synthèse des phospholipides ou à un rétablissement du trafic des phospholipides dans la cellule [3]. En revanche, comme la vitamine-E ne restaure pas la fluidité membranaire, celle-ci pourrait agir au niveau de micro-domaines de la membrane plasmique tels que ceux impliqués dans la transduction du signal : les radeaux lipidiques [3]. De plus, l’inhibition de l’accumulation de lipides polaires est moins efficace en présence d’inhibiteurs de la PI3-K : LY294002 et 3-méthyladénine, ce qui suggère un rôle de la PI3-K dans le métabolisme des lipides polaires. La capacité de ces inhibiteurs à contrecarrer les effets protecteurs de la vitamine-E sur l’apoptose induite par le 7-cétocholestérol établit clairement que la vitamine E régule positivement la PI3-K et que les signaux activés par la vitamine-E sont en amont de la PI3-K [3].

Conclusion

Le 7-cétocholestérol induit un phénomène de phospholipidose conduisant à l’accumulation intracellulaire de lipides polaires ainsi que la mort cellulaire par inhibition de la voie PI3-K/PKB. Au cours de la mort des cellules vasculaires induite par du 7-cétocholestérol, on peut donc supposer que les phospholipides accumulés vont être déversés dans la paroi vasculaire et contribuer à l’accumulation de lipides dans les lésions d’athérosclérose. La vitamine E, en inhibant ces deux phénomènes pourrait être un outil thérapeutique à prendre en compte.

Ces travaux ont été réalisés, sous la direction du Dr Gérard Lizard, au sein de l’unité INSERM U498 nouvellement Inserm U866, Dijon, France.