Quel est le risque des traitements antihypertenseurs chez les patients Covid-19 ?

Dès le début de la crise sanitaire liée au Coronavirus est apparue une polémique quant  aux effets potentiellement délétères des bloqueurs du SRA par IEC ou AA2 chez des patients Covid-19 et souffrant par ailleurs d’hypertension. En effet, ces traitements induisent une surexpression du récepteur ACE2 qui est reconnu par le virus SARS-Cov2 comme porte d’entrée dans les cellules épithéliales. Ainsi, plusieurs sites web ont suggéré que ces anti-hypertenseurs pourraient favoriser la progression de la maladie chez les patients traités. Ainsi, certains d’entre nous ont reçu de nombreux mails de patients voulant arrêter leur traitement par IEC ou AA2. Donc que faire de ces traitements ? La NSFA se doit de relayer les bonnes informations et les recommandations officielles pour lutter contre toutes les fake news qui manipulent notre population.

Vous trouverez via ce lien une lettre publiée dans le journal Lancet posant le problème : si deux études ont rapporté une surmortalité chez les patients souffrant d’hypertension, le lien entre traitement anti-hypertenseur et mortalité n’avait pas été étudié jusque récemment. Le dilemme pouvait également provenir de la balance entre les niveaux d’expression d’ACE2 selon l’âge, les effets modulateurs opposés du virus et des traitements EIC/AA2 sur cette expression, et le rôle anti-inflammatoire de l’enzyme. Ainsi une lettre publiée en avril dans JAMA Cardiology fait le point sur le rôle ambivalent de l’ACE2. Les individus âgés, en particulier avec de l’hypertension et du diabète, présentent une faible expression d’ACE2, donc a priori offrent moins d’entrées pour le virus. Cependant, l’ACE2 joue également un rôle-clé dans la cascade inflammatoire liée à l’angiotensine II. Or il semble maintenant bien établi que l’orage inflammatoire soit une cause majeure de mortalité chez les patients Covid-19. L’ACE2 peut donc être considérée comme un acteur ambivalent dans l’infection au coronavirus. En conclusion, les auteurs proposent que les traitements ACEI, même s’ils sont susceptibles d’ajouter une porte d’entrée supplémentaire au virus chez les personnes âgées et hypertendues, pourraient cependant limiter les dégâts considérables causés à l’organisme par l’inflammation.

Récemment, plusieurs études de grande ampleur ont permis d’avoir une vision plus claire sur la question et vont dans le sens d’une absence d’effet délétère des traitement hypertenseurs dans le cadre du SARS-CoV2. Ainsi, une étude rétrospective sur plus de 18000 patients  ayant subi un test Covid-19 dans deux états des USA (Floride et Ohio) n’a pas montré de relation entre la prise d’ACEI ou d’ARB et la positivité au Covid-19. Début mai enfin, la revue New England Journal of Medicine a publié trois études allant dans le même sens. Le groupe de Mehra a utilisé une base de données sur 8910 patients hospitalisés dans 11 pays, diagnostiqués positifs Covid-19 entre fin décembre 2019 et mi-mars 2020. Les études multivariées n’ont pas montré d’association entre les inhibiteurs de l’ECA ou les ARA-II et le risque de mortalité à l’hôpital. Ces résultats ont été confirmés en restreignant secondairement l’étude aux patients hypertendus. En Italie, Mancia et collègues ont mené une étude cas-contrôle comparant 6272 patients diagnostiqués positifs SARS-CoV2 à 30759 sujets contrôles en Lombardie entre février et mars 2020. Les analyses multivariées n’ont pas montré d’association entre les inhibiteurs de l’ECA ou les ARA-II et la probabilité d’infection ou la sévérité de la maladie. Enfin, le groupe de Reynolds aux Etats-Unis a mené une étude basée sur les données électroniques du système de santé NYU Langone (Université de New York) collectées entre début mars et mi-avril 2020, comprenant 12594 individus, dont 5894 patients testés positifs Covid-19 et parmi eux 1002 avec une forme sévère. De manière cohérente avec les résultats obtenus en Italie, les analyses d’appariement du score de propension n’ont pas montré d’association entre les inhibiteurs de l’ECA ou les ARA-II et la probabilité d’infection ou la sévérité de la maladie.

Vous pourrez également consulter via cet autre lien la position de la Société Européenne de Cardiologie sur l’utilisation des inhibiteurs de l’ACE chez les patients Covid-19. Une prise de position par la Société Européenne d’Hypertension (ESH) concerne par ailleurs la recommandation de maintenir les traitements IEC et ARA2 chez les patients (suivre ce lien). Vous pouvez également consuter le communiqué conjoint HFSA/ACC/AHA concernant ces inhibiteurs.

Enfin, nous relayons ci-dessous le communiqué du Pr Xavier Girerd (Hôpital Pitié Salpêtrière) de La Fondation de Recherche sur l’Hypertension Artérielle (FRHTA):
« ATTENTION A NE PAS STOPPER LES ANTIHYPERTENSEURS. En France #COVID-19 va possiblement concerner les 6 millions de patients avec une #hypertension artérielle et qui sont traités par un médicament sartan (ARA2) ou IEC. Un communiqué de l’European Society of Cardiology précise que chez les patients stables présentant des infections à #COVID-19 ou à risque d’infection à COVID-19, le traitement par les IEC ou par les sartans ne doit être ni modifié ni arrêté. Aucune preuve médicale ne permet à ce jour d’impliquer ces médicaments dans la survenue ou l’évolution de la maladie. »
Le Pr Girerd a pris des contacts avec les réanimateurs afin que, dans le registre qui est mis en place en France pour le COVID19, les traitements antihypertenseurs en cours avant l’infection soit précisément colligés. C’est un moyen de savoir assez rapidement si cette hypothèse physiopathologie est vraie ou fausse.
Et aussi : un lien possible entre les polymorphismes ACE2 et taux d’infection ? Hypothèse suggérée par une analyse statistique menée à partir du nombre de cas dans  33 pays rapportés par données de la Johns Hopkins University en mars.