Les examens à pratiquer devant une dyslipidémie

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité et de handicap dans les pays développés. Ces pathologies sont la conséquence du processus athéroscléreux, lui-même consécutif à la présence de causes appelées facteurs de risque. Les principaux facteurs de risque sont le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et les dyslipidémies. La prévention des maladies cardiovasculaires qui apparaît comme un objectif fondamental de santé publique, a pour but la diminution du risque lié à chacun de ces facteurs. Le bilan lipidique est ainsi un des éléments de la première étape de la stratégie de prévention des maladies cardiovasculaires [1]. Ce bilan lipidique permet la détermination du LDL-cholestérol, du HDL-cholestérol et des triglycérides, 3 paramètres reconnus associés au risque de survenue d’une maladie cardiovasculaire [2] [3] [4]. La diminution du LDL-cholestérol est amplement prouvée être une action efficace dans la réduction de l’incidence des maladies cardiovasculaires dans le cadre d’une prise en charge globale du risque d’athérosclérose [5]. Bien qu’il soit encore incertain que la diminution des triglycérides et l’augmentation du HDL-cholestérol diminuent le risque d’athérosclérose, il est recommandé de tendre à ces objectifs.

Dans ce texte, nous indiquons les principaux examens à pratiquer dans le cadre du dépistage, du diagnostic et du traitement des dyslipidémies et de son suivi. Ces recommandations sont complémentaires et ne se substituent pas à celles de l’AFSSAPS.

DÉPISTAGE

Quand ?

Le dépistage d’une hyperlipidémie est à envisager chez tout sujet adulte [1]. Il est obligatoire à court terme dans certaines situations :

1. Présence ou potentialité d’un haut risque vasculaire

  • antécédents personnels de pathologie cardiovasculaire athéroscléreuse (maladie coronaire, accident vasculaire cérébral, artériopathie des membres inférieurs, sténose des artères rénales,…) quel que soit l’âge de survenue de l’épisode ischémique
  • antécédents familiaux d’athérosclérose précoce : épisode ischémique chez un parent du premier degré (père, mère, frères, soeurs), avant 55 ans s’il s’agit d’un homme, 65 ans d’une femme, quelle que soit la topographie artérielle (coronaire, cérébrale, périphérique). Le risque vasculaire est d’autant plus élevé que l’âge de survenue est bas chez les parents atteints
  • présence d’un facteur de risque de l’athérosclérose quel que soit l’âge : tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans, hypertension artérielle même normalisée par le traitement, diabète, obésité androïde, syndrome métabolique
  • mode de vie induisant un risque vasculaire : déséquilibre alimentaire tel qu’une consommation importante de graisses saturées d’origine animale

 

2. Potentialité de la présence d’une hyperlipidémie

  • antécédents familiaux d’hyperlipidémie : présence d’une hyperlipidémie chez un parent du premier degré
  • présence de dépôts lipidiques extra-vasculaires (xanthélasma, arc cornéen) avant 50 ans faisant suspecter une hypercholestérolémie
  • somnolence post-prandiale ou douleur abdominale récurrente (suspicion d’une hypertriglycéridémie)
  • traitement susceptible d’induire une hyperlipidémie (particulièrement une hypertriglycéridémie) : pilule estro-progestative, rétinoïde prescrit pour l’acné, antiviraux pour le SIDA, corticoïdes
  • pathologies responsables d’une hyperlipidémie secondaire : insuffisance rénale chronique, syndrome néphrotique, diabète

Le bilan lipidique peut être prescrit dans d’autres circonstances particulières :

  • avant la reprise d’une activité physique chez un sujet de plus de 40 ans
  • pour l’obtention d’un contrat d’assurance

Chez les enfants, le bilan lipidique est indiqué :

  • en cas d’hyperlipidémie familiale (particulièrement une hypercholestérolémie familiale)
  • en cas de dépôts lipidiques extra vasculaires
  • en cas d’antécédent cardiovasculaire précoce dans la famille
  • lors de l’existence d’une stéatose hépatique ou d’une rétinite pigmentaire à la recherche d’une abétalipoprotéinémie
  • lors de la survenue d’une pancréatite faisant suspecter une hypertriglycéridémie majeure.

Comment ?

La validité du bilan lipidique dépend de quelques règles de réalisation :

  • prélèvement sanguin effectué après un jeûne de 12 heures
  • à distance de tout processus pathologique (2 à 3 mois après un épisode infectieux, chirurgical, ischémique…)
  • chez un patient victime d’un accident cardiovasculaire le bilan lipidique doit être fait dans les 24 heures qui suivent.

La prescription est l’exploration d’une anomalie lipidique (EAL) comportant les déterminations du cholestérol total, des triglycérides et du HDL-cholestérol.
Le LDL-cholestérol est calculé par la formule de Friedewald [6] :

LDL-cholestérol (g/l)= cholestérol total (g/l) – HDL-cholestérol (g/l) – triglycérides (g/l)/5
si les triglycérides sont inférieurs à 3,4 g/l. [Voir JO du 11/10/05]

Si les triglycérides sont supérieurs à 3,4 g/l, le LDL-cholestérol ne peut être calculé par cette formule. Le LDL-cholestérol peut être alors mesuré par une méthode directe.

Le HDL-cholestérol peut être mesuré dans le surnageant après précipitation des lipoprotéines contenant l’apolipoprotéine B par le mélange acide phosphotungstique-magnesium qui reste la méthode référence ou par une méthode directe qui permet de doser de façon valide le HDL-c jusqu’à une triglycéridémie de 8 à 10 g/l.

Le LDL-cholestérol peut également être mesuré directement même si la méthode n’est pas spécifique. Il est déconseillé de l’utiliser si les triglycérides sont supérieurs à 8 g/l, ou en cas d’hyperlipidémie de type III.

Les mesures directes du HDL-cholestérol et du LDL-cholestérol sont prises en défaut lors de la présence d’une gammapathie monoclonale [7].

Une anomalie de l’un des paramètres, LDL-cholestérol, HDL-cholestérol, triglycérides, doit faire répéter l’analyse une à 2 semaines plus tard pour confirmer celle-ci. Une nette différence entre les deux bilans doit faire rechercher une cause responsable de la modification (état de jeûne, modification importante de l’alimentation, prise d’un traitement) et faire répéter l’analyse à distance.
En cas d’hypertriglycéridémie franche, s’assurer que le sérum ou plasma est opalescent : dans le cas contraire, il s’agirait d’une hyperglycérolémie sans conséquence clinique connue, et non d’une hypertriglycéridémie.
Aucune valeur normale ne peut être fournie car les normes de concentrations lipidiques sont issues des valeurs observées dans la population, valeurs qui ne correspondent pas à un niveau de risque.
Chez un sujet sans facteur de risque, le bilan lipidique suivant peut être considéré comme normal :

  • LDL-cholestérol < 1,60 g/l
  • Triglycérides < 1,50 g/l
  • HDL-cholestérol > 0,40 g/l

L’EAL (exploration d’une anomalie lipidique) comprend cholestérol total, triglycérides, HDL-c par précipitation (ou dosage direct), aspect du sérum à jeun et calcul du LDL-c (ou dosage direct).
C’est l’examen clé du dépistage.

DIAGNOSTIC DE L’HYPERLIPIDÉMIE

Le diagnostic repose sur 3 données essentielles : l’analyse des antécédents, l’examen clinique et les examens biologiques.

Dans la grande majorité des cas, le patient est en situation de prévention primaire.

Le bilan décrit dans le dépistage (EAL) doit être répété au moins une fois en période métabolique stable compte tenu des fluctuations des paramètres lipidiques. Si le cholestérol total est augmenté et les triglycérides normaux, il s’agit :

  • soit d’une augmentation du LDL-c qui doit être pris en charge
  • soit d’une augmentation isolée du HDL-c qui est habituellement protectrice et ne nécessite aucune mesure thérapeutique spécifique.

Si les triglycérides sont supérieurs à 3,4 g/l, il faut disposer du dosage direct du LDL-c et différencier hyperlipidémie de type IV (LDL-c inférieur à 1,60 g/l) et hyperlipidémie mixte de type IIb (LDL-c supérieur à 1,60g/l).

Autres examens :

  • Si les triglycérides sont supérieurs à 2 g/l, une électrophorèse des lipoprotéines peut être utile pour rechercher une lipoprotéine anormale (hyperlipidémie de type III)
  • Si les triglycérides sont supérieurs à 10 g/l, un test de décantation peut être effectué pour rechercher les chylomicrons
  • L’apolipoprotéine A1 n’a pas un intérêt bien démontré quand le dosage de HDL-cholestérol est de bonne qualité.
  • Le dosage de la lipoprotéine (a) (Lp(a)) voire d’autres fractions lipidiques (HDL2 et HDL3, LpA1…) et le dosage des autres facteurs de risque comme l’homocystéine et la CRPus n’ont pas leur place en routine. Leur utilité serait théoriquement d’affiner l’évaluation du risque vasculaire. La Lp(a) ressemble en tout point aux LDL mais elle en diffère par l’association à une autre protéine appelée apoprotéine a, d’où son nom. Même si nos connaissances sur la question restent encore partielles, une élévation du taux de la Lp(a) pourrait être un facteur contribuant au développement des maladies cardiovasculaires. Ce sur-risque est plus marqué dans l’hypercholestérolémie autosomique dominante et son dosage est donc utile essentiellement dans cette circonstance.

Chez les patients en prévention secondaire ou à risque équivalent (risque annuel supérieur à 2% calculé par une équation de risque comme par exemple celle de Framingham), le bilan lipidique ne doit pas être obligatoirement répété car la mise en route du traitement doit être rapide. Il est prudent de recontrôler à 1 mois le bilan lipidique particulièrement en cas d’HTG.

Le diagnostic d’une dyslipidémie repose dans la très grande majorité des cas sur l’EAL. En prévention primaire, ce bilan est à répéter pour affirmer le diagnostic. Quand les triglycérides sont élevés (a fortiori très élevés, supérieurs à 4g/l), un bilan plus spécialisé se justifie et c’est dans ce cas que des examens complémentaires sont à discuter en milieu spécialisé.
En prévention secondaire, un seul bilan est le plus souvent suffisant car la mise en route du traitement ne doit pas être différée.

RECHERCHE D’UNE HYPERLIPIDÉMIE SECONDAIRE

1. Elles comprennent les causes iatrogènes (estrogènes de synthèse, corticoïdes, dérivés de la vitamine A, certains diurétiques, certains bêtabloquants et les anti-rétroviraux) recherchées par l’interrogatoire et ne justifiant pas d’examen spécifique. Le dépistage des dyslipidémies chez les patients traités pour SIDA est indispensable en raison de la sévérité des anomalies (hypertriglycéridémies) et du risque cardiovasculaire qui pourrait être augmenté dans cette population [8]. A ces causes iatrogènes spécifiques, on peut ajouter les traitements neuroleptiques favorisant la survenue d’un syndrome métabolique [9].

2. L’hypothyroïdie peut entraîner une hyperlipidémie [10] [11]. Les effets les plus significatifs associés à l’hypothyroïdie sont l’augmentation du cholestérol total et du LDL-c. Les effets sur les triglycérides et la classique augmentation du HDL-c sont plus inconstants. Ces effets variables sont liés probablement aux différences de prédisposition génétique entre les patients. Les conséquences de ces observations sont que le dépistage de l’hypothyroïdie est justifié quelque soit le type d’hyperlipidémie. Le dosage de la TSHus est donc nécessaire devant toute découverte d’hyperlipidémie notamment dans les situations suivantes :

Situations rendant le dosage de la TSH indispensable

a/ Situations où la fréquence de l’hypothyroïdie est élevée (femme ménopausée, traitement par amiodarone etc…)
b/ Signes cliniques même mineurs ou isolés d’hypothyroïdie
c/ Caractère acquis de l’hyperlipidémie (bilan lipidique normal auparavant)
d/ Absence d’antécédents familiaux d’hyperlipidémie.

  • Les dosages de la T4 et a fortiori de la T3 ne doivent pas être pratiqués car ces examens chers ne sont pas utiles au dépistage de l’hypothyroïdie.

Le dépistage de l’hypothyroïdie a deux autres intérêts : le risque de présenter un effet musculaire avec les statines est augmenté en présence d’une hypothyroïdie, l’hypothyroïdie est en soi un facteur de risque cardiovasculaire même lorsqu’elle est infraclinique [11]. Il est inutile de répéter le dosage de TSH s’il est normal.

3. Le diabète peut entraîner une hyperlipidémie. Son dépistage est de toute façon indispensable puisque la présence d’un diabète est un des paramètres permettant l’évaluation du risque cardiovasculaire. Le diabète de type I s’accompagne d’une dyslipidémie, principalement une hypertriglycéridémie, en cas d’un grand déséquilibre glycémique. Cette hyperlipidémie peut être sévère. La dyslipidémie du diabète de type II est assez variable mais est le plus souvent une hypertriglycéridémie avec hypoHDLémie et LDL-c normal ou peu élevé [12]. Les LDL sont le plus souvent de petite taille et considérées comme plus athérogènes. En dehors des hypertriglycéridémies, le dépistage du diabète est donc surtout essentiel pour l’évaluation du risque cardiovasculaire global.

4. L’insuffisance rénale et le syndrome néphrotique se dépistent par deux examens simples : la créatininémie permettant le calcul de la clairance par la formule de Cockroft et le dépistage d’une protéinurie à la bandelette. L’insuffisance rénale est la situation la plus fréquente et celle qui peut être asymptomatique au début [13].
Le syndrome néphrotique, cause d’hyperlipidémie, est plus rare et il existe le plus souvent des signes cliniques d’appel. Le caractère systématique du dépistage à la bandelette est non établi et le dépistage doit plutôt être ciblé cliniquement. Pour le dosage de la créatininémie, le caractère systématique est justifié chez les sujets âgés de plus de 60 ans. Après cet âge la fréquence des altérations de la filtration glomérulaire atteint 30 % de la population contre 4% avant 60 ans [13]. A l’instar de l’hypothyroïdie l’insuffisance rénale est associée à un risque vasculaire très élevé. Enfin il faut noter qu’il existe des arguments expérimentaux et épidémiologiques montrant que l’hyperlipidémie est un facteur aggravant de l’insuffisance rénale.

Situations rendant le dosage de la créatinine indispensable

a/ Situations où la fréquence de l’insuffisance rénale est plus élevée (diabète, hypertension artérielle, sujets âgés de plus de 60 ans)
b/ Antécédent personnel faisant suspecter la possibilité d’une insuffisance rénale
c/ Caractère acquis de l’hyperlipidémie (bilan lipidique normal auparavant)
d/ Absence d’antécédents familiaux d’hyperlipidémie
e/ Traitement envisagé par fibrate

5. D’autres causes d’hyperlipidémies secondaires sont rares et le plus souvent associées à des signes cliniques : La cholestase s’accompagne d’une hypercholestérolémie avec présence d’une lipoprotéine X (repérée en électrophorèse).

Les autres affections telles que syndrome de Cushing et son traitement par OP’DDD, acromégalie, dysglobulinémies, glycogénoses, porphyrie et SIDA en dehors des traitements peuvent entraîner une dyslipidémie, mais celle ci n’est habituellement pas révélatrice de la maladie causale. Ces autres causes ne justifient aucun examen systématique.

Tableau 1
Intérêt des dosages non lipidiques dans la stratégie diagnostique et de prise en charge d’un patient ayant une dyslipidémie

TSHus
Glycémie
Créatinine
Protéinurie
à la bandelette
Transaminases

Dosage permettant de dépister
une cause d’hyperlipidémie

oui
oui
oui
oui

oui

Dosage indispensable au calcul
du risque selon les équations

non
non (c’est la présence du diabète)
non
non

non

Dosage identifiant
un autre facteur athérogène

oui
oui
oui
oui (la micro-albuminie est un facteur de risque bien documenté)
non

Dosage à prendre en compte
lors du traitement hypo-lipidémiant

oui (risque d’effet secondaire sous statines)
non
oui (risque avec les fibrates)
non

oui (prudence avec les hypolipidémiants)

Le bilan à la recherche d’une dyslipidémie secondaire doit donc comprendre TSHus, glycémie, créatinine. A ces mesures il faut ajouter les transaminases si un traitement est envisagé. Les autres examens dont le dépistage de la protéinurie sont ciblés en fonction du contexte clinique. Ces examens sont d’autant plus indispensables qu’il existe un contexte (absence totale d’antécédents familiaux) ou des points d’appel cliniques.

LE SUIVI SOUS TRAITEMENT HYPOLIPÉMIANT

Les bilans de suivi après l’initiation du traitement ont deux objectifs, la tolérance au traitement et l’efficacité du traitement. Malgré des différences de tolérance entre les 3 principales classes actuellement disponibles (statines, fibrates et inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol) la surveillance est identique [14] [15] [16] [17] [18]. Les recommandations sont susceptibles de modifications en cas de nouvelles données et le prescripteur doit se référer au RCP de chaque produit. La surveillance des résines est différente puisque ces produits ne sont pas absorbés par le tube digestif. La surveillance de l’acide nicotinique est indiquée à titre d’information.

1. Le premier bilan après initiation du traitement
Le premier bilan après l’initiation du traitement, qu’il soit par mesure hygiéno-diététique ou thérapeutique, doit évaluer la tolérance et l’efficacité.

Quand ?

Le bilan doit être réalisé entre 1 et 3 mois après l’initiation du médicament. Il est réalisé d’autant plus précocement qu’il existe un risque au traitement, une hypertriglycéridémie importante, une intolérance connue aux thérapeutiques hypolipémiantes ou une augmentation connue modérée des gamma GT ou des transaminases.

Quel bilan ?

Le bilan doit être le même pour les trois grandes classes thérapeutiques, statines, fibrates ou inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol. Ce bilan comprend un bilan d’efficacité qui est une EAL (Cholestérol total, HDL cholestérol, LDL cholestérol, triglycérides) et des examens tolérance avec le dosage des transaminases hépatiques.

Ce bilan comprendra également un dosage de la glycémie à jeun chez les sujets diabétiques traités par l’acide nicotinique.
Chez les sujets traités par colestyramine, il n’est pas possible dans l’état actuel des connaissances de définir des recommandations précises vis à vis des supplémentions vitaminiques nécessaires. Elles sont cependant à envisager en présence de fortes doses de colestyramine ou de carence vitaminique évidente et particulièrement chez l’enfant. En conséquence, il n’y a pas lieu de mesurer systématiquement les vitamines liposolubles chez les patients traités par résines. Toutefois le dosage de la vitamine D une fois par an chez l’enfant prenant des fortes doses de colestyramine peut se justifier en particulier dans les situations où la carence est plus fréquente (exemple : faible exposition solaire).

2. Les bilans ultérieurs réalisés régulièrement dans le suivi du sujet ayant une tolérance parfaite du traitement
Si le malade a atteint l’objectif thérapeutique à la suite du premier bilan, il est nécessaire de confirmer l’efficacité et la tolérance du traitement par un nouveau bilan réalisé 3 mois plus tard et puis une fois par an au minimum.

Un suivi du bilan est à réaliser tous les 3 à 6 mois dans certaines circonstances :

  • mauvaise observance
  • haut risque cardiovasculaire
  • prescription d’une combinaison thérapeutique (statine + fibrate)
  • sujet âgé de plus de 70 ans.

Si le patient n’a pas atteint l’objectif thérapeutique, quatre possibilités thérapeutiques sont possibles :

  • augmentation de dose (statine)
  • changement de médicament dans la même classe thérapeutique (statine)
  • association thérapeutique (statine et inhibiteur de l’absorption du cholestérol, statine et fibrate, statine et acide nicotinique)
  • changement de classe thérapeutique.

Un nouveau bilan sera réalisé entre 1 et 3 mois. Selon les recommandations françaises de l’AFSSAPS (Mars 2005), l’augmentation des doses et les associations thérapeutiques nécessitent une évaluation soigneuse du rapport bénéfice/risque et ne sont en aucun cas systématiques.

Le bilan de tolérance

Le bilan de tolérance du traitement doit être réalisé avant l’initiation du traitement et un à trois mois après en ce qui concerne les transaminases, comme nous l’avons déjà vu. Le dosage des CPK n’est pas nécessaire avant traitement ou au cours du suivi sauf chez les sujets à haut risque d’atteinte musculaire. La répétition des dosages dépend de chaque cas clinique et ne peut être clairement codifiée.

Le dosage des CPK

Le risque d’atteinte musculaire existe dans toutes les approches thérapeutiques hypolipémiantes (statines, fibrates, inhibiteurs de l’absorption intestinale du cholestérol). La fréquence des rhabdomyolyses est exceptionnelle, 20 cas par million de prescriptions de statines. Les atteintes musculaires à type de myopathie sont de l’ordre de 0,01 %. Certaines pathologies aiguës peuvent augmenter le risque d’intolérance musculaire aux traitements hypolipémiants et doivent entraîner un arrêt transitoire du traitement (infection aiguë sévère, hypotension, intervention chirurgicale majeure, traumatisme, épilepsie non contrôlée, perturbations métaboliques ou électrolytiques majeures (abaissement du Na+, K+ et phosphates), hypo ou hyperthermie).
Le dosage des CPK n’est pas nécessaire avant l’initiation d’un traitement hypolipémiant. Il est cependant conseillé de le réaliser lorsqu’il existe un facteur de risque d’une atteinte musculaire.

Situations (facteurs de risque) où le dosage des CPK doit être fait avant traitement :

  1. Insuffisance rénale
  2. Hypothyroïdie
  3. Antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique
  4. Antécédents d’effets indésirables musculaires avec un fibrate ou une statine,
  5. Abus d’alcool
  6. Age supérieur à 70 ans.

Situations où le dosage des CPK doit être fait sous traitement au cours des bilans de suivi :

  1. Présence d’un facteur de risque énuméré ci-dessus
  2. Utilisation de fortes doses de statines (il existe un effet dose sur le risque musculaire) ou d’associations thérapeutiques
  3. Présence d’un symptôme musculaire

Le dosage de CPK, qui n’est théoriquement pas nécessaire au cours du suivi du traitement, est obligatoire devant la présence d’un terrain à risque comme nous l’avons défini, ou l’apparition de symptôme musculaire inexpliqué (douleurs musculaires, faiblesses, sensibilité douloureuse). Il doit être fait immédiatement en cas de symptômes musculaires et 1 à 3 mois après l’initiation du traitement en présence d’un facteur de risque d’atteinte musculaire.
Devant une élévation des CPK à 3 fois la normale, il est nécessaire de refaire le dosage à une semaine d’intervalle avec un arrêt de toute activité physique sportive pendant cette période.
Par contre si une augmentation de plus de 5 fois des CPK est observée, le traitement doit être immédiatement arrêté. Le retour à la normale des CPK devra être suivi par des dosages répétés. En cas d’élévation importante des CPK il est conseillé au patient de s’hydrater correctement et les élévations supérieures à 10 fois la normale nécessitent une surveillance rénale.

Le dosage des transaminases hépatiques

La fréquence de l’atteinte hépatique est de l’ordre de 1 % au cours des traitements hypolipémiants par statines ou fibrates. Elle survient généralement au cours de la phase initiale du traitement. Dans le cas des traitements par statines, elle est résolutive spontanément dans 50 % des cas.
Le dosage des transaminases doit être réalisé avant l’initiation du traitement et un à trois mois après. Une élévation des transaminases peut être le reflet d’une stéatose hépatique associée à l’hypertriglycéridémie.
Dans le cadre des traitements par statines et fibrates, la surveillance hépatique du traitement comprend un contrôle périodique des transaminases qui doit être effectué au cours des 3 premiers mois et à intervalles rapprochés devant une augmentation de celles ci ou la présence de facteurs de risque tels que la consommation d’alcool ou des antécédents hépatiques.
L’arrêt du traitement est imposé par une augmentation supérieure à 3 fois la limite supérieure de la normale des transaminases ALAT et/ou ASAT.

Le dosage des Gamma GT

Le dosage des gamma GT n’a aucun intérêt dans le suivi du traitement. L’augmentation modérée des gamma GT n’est pas une indication à l’arrêt des traitements par statine ou fibrate mais impose une surveillance plus étroite, initialement tous les 3 mois. Chez le sujet obèse et hypertriglycéridémique, l’augmentation des gamma GT est le reflet de la stéatose hépatique. Le bilan hépatique peut se normaliser sous traitement de la dyslipidémie.

La protéinurie : pas de justification de la surveillance.

Il y a plutôt une indication à traiter les dyslipidémies de l’insuffisant rénal qu’une contre-indication. Il n’y a pas lieu de surveiller systématiquement la fonction rénale.

Les situations particulières (interaction médicamenteuse).

Les AVK

Les statines ont un effet de diminution de la synthèse des enzymes de la cascade de la coagulation. L’augmentation de l’effet de l’anticoagulant oral et du risque hémorragique est modérée. Un contrôle plus fréquent de l’INR avec adaptation de la posologie de l’anticoagulant est nécessaire.
Dans les traitements par fibrates, l’augmentation de l’effet de l’anticoagulant oral et du risque hémorragique est beaucoup plus importante et généralement, il est recommandé de diminuer la dose de l’AVK d’un tiers. Un contrôle plus fréquent de l’INR avec adaptation de la posologie est nécessaire.
Pour les autres associations médicamenteuses, comme par exemple statine et fibrate, fibrate et antivitamine K ou colestyramine et autre médicament, consulter le RCP des médicaments.

Tout patient porteur d’une dyslipidémie et devant bénéficier d’un traitement, doit avoir un dosage des transaminases hépatiques et une EAL avant traitement et 1 à 3 mois après l’initiation du traitement. La fréquence de ce bilan est ensuite fonction du contexte clinique. Elle est généralement entre 3 et 12 mois.
Le dosage des CPK est justifié avant traitement en présence d’un facteur de risque musculaire et ne doit être envisagé dans le suivi des patients qu’en présence d’un terrain à risque ou l’apparition de symptômes musculaires.

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS SUR LE BILAN À PRATIQUER

Dépistage
EAL systématique une fois chez tous les adultes
EAL : cholestérol total, triglycérides, LDL-c et HDL-c

Bilan normal
il n’y a pas lieu de le répéter
avant 5 ans sauf changement clinique
ou du mode de vie

Bilan anormal
Il faut le contrôler au moins une fois
sauf dans les circonstances ou le traitement
ne doit pas être différé (prévention secondaire)
Il est complété par un bilan diagnostique complémentaire :
TSHus, glycémie, créatininémie

Bilan anormal
Il faut le contrôler au moins une fois
sauf dans les circonstances ou le traitement
ne doit pas être différé (prévention secondaire)
Il est complété par un bilan diagnostique complémentaire :
TSHus, glycémie, créatininémie

Si le patient est mis sous traitement
EAL et des transaminases 1 à 3 mois plus tard
Dosage des CPK dans des situations à risque (cf texte)
et en cas de symptômes

Objectif thérapeutique atteint

oui


oui


non


non

Tolérance clinique et biologique

oui

non


oui


non

Attitude proposée
Poursuite du traitement ; EAL dans 3-6 mois, transaminases une fois par an

Modification du traitement ; Contrôle 1-3 mois


Modification éventuelle du traitement ; Contrôle 1-3 mois


Modification du traitement ; Contrôle 1-3 mois

[1] http://agmed.sante.gouv.fr/htm/5/rb…

[2] Castelli WP, Doyle JT, Gordon T et al. HDL cholesterol and other lipids in coronary heart disease : the cooperative lipoprotein phenotyping study. Circulation. 1977 ;55:767-772.

[3] Assmann G, Schulte H. Relation of high-density lipoprotein cholesterol and triglycerides to incidence of atherosclerotic coronary artery disease (the PROCAM experience). Prospective Cardiovascular Munster study. Am J Cardiol. 1992 ;70:733-737.

[4] Hokanson JE, Austin MA. Plasma triglyceride level is a risk factor for cardiovascular disease independent of high-density lipoprotein cholesterol level : a meta- analysis of population-based prospective studies. J Cardiovasc Risk. 1996 ;3:213-219.

[5] Law MR, Wald NJ, Rudnicka AR. Quantifying effect of statins on low density lipoprotein cholesterol, ischaemic heart disease, and stroke : systematic review and meta-analysis. Brit Med J. 2003 ;326:1423.

[6] Friedewald WT, Levy RI, Fredrickson DS. Estimation of the concentration of low-density lipoprotein cholesterol in plasma, without use of the preparative ultracentrifuge. Clin Chem. 1972 ;18:499-502.

[Voir JO du 11/10/05] JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Décrets, arrêtés, circulaires
TEXTES GÉNÉRAUX
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS
Arrêté du 20 septembre 2005 modifiant l’arrêté du 3 avril 1985 fixant la Nomenclature des actes de biologie médicale

0996 Exploration d’une anomalie lipidique (EAL) B 55
L’EAL comprend l’ensemble indissociable des analyses suivantes :
Aspect du sérum, cholestérol total, triglycérides, cholestérol-HDL et le calcul du cholestérol-LDL :

  • aspect du sérum, au moment de la décantation du sérum :
    En cas d’opalescence ou de lactescence, vérifier l’aspect du sérum conservé à 4 oC pendant 12 heures ;
  • cholestérol total (CT) ;
  • triglycérides (TG) ;
  • cholestérol-HDL (C-HDL) :
    Dosage direct du cholestérol-HDL par une méthode enzymatique, standardisée et automatisable ou dosage indirect du cholestérol-HDL dans le surnageant obtenu après précipitation des lipoprotéines contenant de l’apolipoprotéine B.
    Quand le dosage du cholestérol-HDL est inférieur à 0,90 mmol/L (0,35 g/L) ou supérieur à 2,05 mmol/L (0,80 g/L), le biologiste pourra contrôler ce résultat en réalisant et cotant à son initiative le dosage de l’apolipoprotéine A1 (1603) ;
  • calcul du cholestérol-LDL (C-LDL) :
    Quand le taux des triglycérides est inférieur à 3,75 mmol/l (3,4 g/L), le cholestérol-LDL est exclusivement obtenu par calcul à partir de la formule de Friedewald :
    C-LDL = (CT)-(C-HDL)-(TG/2,2) pour les dosages exprimés en mmol/L.
    C-LDL = (CT)-(C-HDL)-(TG/5) pour les dosages exprimés en g/L.
    Quand le taux des triglycérides est supérieur à 3,75 mmol/L (3,4 g/L), le calcul du cholestérol-LDL par la formule de Friedewald est inexact ; le biologiste pourra à son initiative réaliser et coter :
    > soit le dosage de l’apolipoprotéine B (1602)
    > soit le dosage du cholestérol-LDL par une méthode directe enzymatique automatisable (2001).

1603 Apolipoprotéine A1 B 30
Ce dosage ne peut être réalisé que dans le cadre de l’EAL (examen 0996).

1602 Apolipoprotéine B B 30
Ce dosage ne peut être réalisé que dans le cadre de l’EAL (examen 0996).

2001 Dosage du cholestérol-LDL (C-LDL) B 30
Par une méthode enzymatique, directe, standardisée et automatisable à l’exception de toute autre méthode.
Ce dosage ne peut être réalisé que dans le cadre de l’EAL (examen 0996).
Nota. – Toute prescription partielle de C-HDL et/ou de C-LDL et/ou d’apolipoprotéine A1 et/ou d’apolipoprotéine B amène le biologiste à réaliser – et à coter – l’ensemble des examens de l’EAL (aspect, CT, TG, C-HDL et C-LDL calculé).

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