Hétérogénéité des macrophages dans l’athérosclérose : une nouvelle cible thérapeutique ?

La Letttre de la NSFA, n°30, août 07
Giulia Chinetti-Gbaguidi, M. A. Bouhlel, and B. Staels – Institut Pasteur de Lille, Inserm U545, Université de Lille 2, Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques et Faculté de Médecine, Lille

Introduction

Une des étapes cruciales de l’athérogenèse est représentée par l’infiltration des monocytes dans l’espace sous-endothéliale des artères, où ils se différencient en macrophages. Le rôle des macrophages dans l’évolution de l’état inflammatoire des lésions d’athérosclérose est aujourd’hui bien établi. Cependant, de récentes publications font état du caractère versatile et plastique des macrophages, leur permettant d’adapter la réponse inflammatoire à leur environnement. En particulier, les cytokines de type Th1, telles que IFNg, IL-1b ou LPS, induisent un état d’activation des macrophages dit « classique » ou M1. En revanche, les cytokines Th2, telles que l’IL-4 et l’IL-13 induisent une activation « alternative » ou M2 des macrophages [1]. Les macrophages M1 sont des cellules effectrices qui détruisent les microorganismes et produisent principalement des cytokines pro-inflammatoires, telles que TNFa, IL-6 et IL-12. D’autre part, les macrophages M2 présentent des propriétés anti-inflammatoires car ils produisent des facteurs tels que IL-10, TGFb et l’antagoniste du récepteur à IL-1b (IL-1Ra). Les macrophages M2 sont également impliqués dans l’angiogenèse et ont des capacités de réparation et de remodelage du tissu endommagé. La découverte récente de la présence des macrophages M2 dans les lésions athérosclérotiques humaines, démontre pour la première fois l’existence d’une population hétérogène de macrophages au sein des plaques d’athérosclérose [2]. Cette information est capitale car elle apporte une meilleure connaissance des composants de la plaque d’athérome, et pourrait se révéler fondamentale dans la compréhension de la patho-physiologie de l’athérosclérose. On pourrait ainsi supposer que les états inflammatoires, tels que l’athérosclérose, puissent être non seulement la conséquence d’une réaction inflammatoire locale, mais aussi le résultat d’une défaillance des mécanismes anti-inflammatoires de défense. Au sein de la plaque d’athérosclérose, les macrophages M2, identifiés grâce à l’expression des marqueurs spécifiques (tels que le récepteur au mannose, MR), ont été localisés dans une zone distante du corps lipidique de la plaque [2]. La modulation pharmacologique de la différenciation des monocytes en macrophages M2, ainsi que le contrôle de leurs fonctions, apparaît comme une stratégie thérapeutique potentielle de grand intérêt dans le traitement des pathologies inflammatoires telles que l’athérosclérose.

Peroxisome Proliferator-Activated Receptor gamma, PPARg

Le récepteur nucléaire PPARg (Peroxisome Proliferator-Activated Receptor gamma), cible moléculaire des glitazones, molécules utilisées dans le traitement du diabète de type 2, est exprimé dans les macrophage de la lésion d’athérosclérose [3] où il exerce des fonctions anti-inflammatoires. En effet, dans les macrophages « classiques » M1, les agonistes synthétiques de PPARg répriment la transcription des gènes inflammatoires (tels que MMP-9, IL-6, IL-1a) en interférant négativement avec les voies de signalisation pro-inflammatoires [4]. Très récemment, en utilisant des approches différentes in vivo chez la souris et in vitro chez l’homme, les travaux des deux groupes de recherche ont permis d’établir un rôle de PPARg dans l’amplification de la différenciation alternative des monocytes en macrophages [2] [5]. Tout particulièrement chez l’homme, l’activation de PPARg par des glitazones, ajoutés au cours de la différenciation des monocytes en macrophages M2, amplifie le phénotype anti-inflammatoire de ces macrophages. Ces macrophages « alternatifs » se révèlent alors plus efficaces dans la réponse à une réaction inflammatoire. L’induction du phénotype M2 par les glitazones a également été observée in vivo. En effet, la pioglitazone, une des glitazones couramment utilisée en clinique, augmente de façon significative l’expression du MR dans les leucocytes des patients ayant suivi 2 mois de traitement [2]. L’ensemble de ces données suggère donc un nouveau rôle de PPARg dans le contrôle de la réponse inflammatoire, grâce à sa capacité à promouvoir la différenciation des monocytes en macrophages M2 anti-inflammatoires. De plus, l’amplification des propriétés anti-inflammatoires des macrophages « alternatifs » dans l’athérosclérose pourrait constituer une nouvelle approche thérapeutique de l’athérosclérose.

Conclusions

L’activation de PPARg des macrophages pourrait constituer une stratégie thérapeutique d’intérêt pour le contrôle de la réponse inflammatoire des lésions d’athérosclérose. Cependant, cela pourrait avoir des conséquences plus étendues. En effet, il a été récemment démontré que l’absence spécifique de PPARg dans les macrophages dans un modèle de souris génétiquement modifié, entraîne une intolérance au glucose ainsi qu’une résistance à l’insuline chez ces animaux [6]. D’autre part, la délétion de PPARg au niveau des macrophages se traduit par une réponse pharmacologique atténuée au traitement par les glitazones [6]. Ainsi, le macrophage apparaît comme une cible centrale pour les effets métaboliques et anti-inflammatoires des glitazones. Ceci pourrait constituer la base pour le développement des nouvelles molécules agissant spécifiquement sur le PPARg des macrophages, ce qui devrait permettre la conception de ligands aux propriétés anti-diabétiques et anti-inflammatoires avec des effets secondaires (œdème, prise de poids, fractures des os) limités.